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Rencontre avec Anaïs Aidoud : « J’ai tout quitté pour faire du théâtre »

29 Septembre 2021

Repérée à Lille par Jean-Yves Lafesse, Anaïs Aidoud rejoint la capitale pour réaliser ce qui l’anime depuis toujours : le théâtre. Sur son chemin, elle rencontre entre autres, Ahmed Hamidi et Violette de Gastines avec qui elle crée la web-série Brèves de pétasses pour Canal +, le producteur Arnaud Mizzon et le chanteur JoeyStarr qui joue dans son prochain court métrage Le Tournesol. Aujourd’hui, la jeune comédienne présente son spectacle Coup de Folie au Théâtre Le Lieu. Rencontre avec une artiste aux cent projets, qui ne renonce jamais.

Originaire de Gruson, vous êtes venue à Paris il y a quelques années. Comment s’est passée votre arrivée à la capitale ?

Je me suis fait repérer dans les rues de Lille par Jean-Yves Lafesse. J’étais dans un bar, en train de faire des blagues avec mes copines. Jean-Yves Lafesse était là, il m’a vue et on a commencé à discuter. Je lui ai dit que j’adorerais faire du théâtre. Il m’a répondu que son ami Philippe Peyran Lacroix avait une école de théâtre à Paris, qu’il faisait passer des auditions tous les ans pour monter une pièce et que je n’avais qu’à y aller. Je me suis donc rendue à Paris, j’ai passé les auditions et je les ai eues ! J’ai tout quitté pour faire du théâtre.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter sur scène pour présenter un spectacle ?

J’ai toujours adoré faire de la scène. J’étais animatrice pour les enfants au club Med. Je créais des petits spectacles donc j’ai eu l’occasion de me tester un peu [rires]. Ensuite, jouer dans des pièces de théâtre m’a vraiment donné envie d’écrire mes propres textes et par la suite, de construire un spectacle. Pour Coup de folie, je voulais raconter une histoire, partir dans un délire complet.

Je n’ai pas testé des extraits de mon spectacle en scène ouverte, je l’ai fait d’un coup. J’ai plusieurs sketchs que je transforme au fur et à mesure des représentations. Toutes les semaines, j’ajoute des éléments, j’en enlève, je vois ce qui marche ou ce qui ne marche pas. Un spectacle, c’est un travail continuel. C’est pour cette raison que je suis au Théâtre Le Lieu, cet endroit est un véritable laboratoire.

Dans votre spectacle, vous incarnez une jeune femme qui souhaiterait être autrice mais qui a peur de franchir le pas. Quel a été le déclic pour vous lancer dans l’écriture ?

J’ai toujours écrit. Lorsque j’ai joué ma première pièce de théâtre classique, Les Pas perdus de Denise Bonal, j’avais tout le temps envie d’ajouter des phrases. Je me sentais enfermée dans un texte et le metteur en scène m’a alors dit : « Fais ton texte en français en prenant l’accent québécois. Tu pourras apporter quelque chose de nouveau ou des mots par exemple ». Je me suis alors sentie beaucoup plus libre. Et cette liberté, je la retrouve aussi quand je joue mon spectacle. Lorsque j’interprète mes personnages, je peux ajouter des choses. J’ai l’impression de jouer et d’écrire en même temps.

Etre sur scène fait travailler la créativité

Etre sur scène fait travailler la créativité. En tant qu’autrice, monter sur scène réactive mon envie d’écrire. Quand je sors d’une représentation, il y a plein de choses qui me viennent à l’esprit. Donc je me sers de cette énergie-là aussi pour écrire d’autres choses à côté.

Vous dépeignez huit personnages dans Coup de Folie. Les avez-vous réellement croisés dans votre vie ?

Ces personnages sortent parfois de mon imagination mais ce sont aussi de réelles personnes que j’ai pu rencontrer. Par exemple, le fromager Marcel habite vraiment en bas de chez moi. C’est un homme qui dormirait presque avec ses fromages pour vérifier qu’ils sont bien comme il faut. Il est à fond !

Comment avez-vous trouvé le fil conducteur du spectacle ?

J’avais envie de prendre un sujet complètement à part. Je me suis dit que j’allais parler de choses qu’on n’aborde pas souvent en humour. Par exemple, Cocteau, la poésie, la mythologie grecque. Je voulais essayer de faire quelque chose qui me ressemble et qui me plaît. Et j’avais aussi envie d’incarner des personnages. Je les ai inventés en m’imaginant à leur place, en me demandant ce qu’ils pourraient penser. Je m’amuse autant à les écrire qu’à les jouer.

 

                                                                                                                            ©Stevens Fievet

D’où vient cette fascination pour Jean Cocteau ?

Un jour, je me balade dans une librairie et je tombe sur La difficulté d’être de Jean Cocteau. Ce livre fait d’emblée écho à ma vie puisque je n’étais pas très bien à ce moment-là. En ouvrant le bouquin, je lis : « Je suis né le 5 juillet 1889 ». Et moi, je suis née le 5 juillet 1989. Cent ans après lui ! Je me suis dit que c’était un truc de dingue. J’ai ensuite vu plein d’autres concordances avec cet artiste, et je me disais à chaque fois : « Non mais c’est pas possible ! ». J’ai ensuite lu plein de livres de Cocteau et je suis partie dans un délire. Et puis, j’ai commencé à écrire le spectacle. 

Cocteau a été une révélation. Il raconte des histoires avec un fond, et au niveau de la forme, il se laisse toutes les libertés. Il écrivait à la fois des pièces de théâtre, de la poésie mais il a aussi réalisé des films. Il s’est permis de faire plein de choses différentes et ça m’a beaucoup aidé dans mes projets.

Vous avez écrit ce spectacle en 2017, comment a-t-il évolué ?

Je l’ai joué pour la première fois en 2017 mais j’étais encore dans la construction. Et puis, pendant le confinement, je me suis dit qu’il fallait vraiment que je continue à monter sur scène pour soutenir les petits théâtres. J’ai pensé : « Allez, on y va, je reprends mes textes ».

Dans la vie, je pense que ce sont les rencontres qui font les projets, les envies, l’inspiration…

 

Sur Instagram, je faisais aussi des petites vidéos qui m’ont fait augmenter mon nombre d’abonné.e.s. Mais je me suis dit que ce serait trop facile de rester derrière mon téléphone à faire des vidéos sans prendre beaucoup de risques et qu’il fallait que j’aille sur le ring. Il n’y a rien de plus difficile que de se retrouver de nouveau sur scène. Au cinéma, on peut refaire la prise 60 fois et avec le montage, on peut retravailler ou inventer des choses. Alors qu’au théâtre, tu n’as qu’une seule prise. En même temps, en tant que comédienne, je suis très heureuse d’être de nouveau sur scène, je trouve que c’est la plus belle chose.

Et puis, le public est vraiment bienveillant donc je suis un peu plus confiante qu’à mes débuts. Là, je commence à prendre du plaisir. Avant je n’avais qu’un sentiment de peur alors que maintenant, je lâche un peu prise, je commence à m’amuser et j’ai envie d’y retourner.

Parallèlement au théâtre, vous vous êtes tournée vers le monde du cinéma en écrivant Le Tournesol, un court-métrage réalisé avec Arnaud Mizzon. Comment avez-vous eu l’idée de ce scénario ?

Je suis une grande fan du film Lost in Translation de Sofia Coppola dont le sujet de prédilection est : une rencontre que l’on n’attendait pas. Pour Le Tournesol, je voulais travailler sur ce thème-là et réaliser une comédie romantique. Dans ce court métrage, on suit une jeune trentenaire triste, qui n’a pas de mari ni d’enfants et qui vient de quitter son job. Elle ne sait pas quoi faire de sa vie et comme elle est seule, elle s’engage pour une mission de 24 mois en Antarctique. JoeyStarr, lui, joue le rôle d’un médecin qui a une femme et des enfants. Mais il bosse tout le temps et il est en total burnout. Un soir, avant qu’elle parte, avant qu’il ne rentre chez lui, la jeune femme et le médecin vont se rencontrer. Dans la vie, je pense que ce sont les rencontres qui font les projets, les envies, l’inspiration…

  

 

Justement, vous auriez apparemment rencontré JoeyStarr en pyjama Hello Kitty…

[rires] Je suis en pyjama et ma voisine me dit : « Y’a un mec que j’ai envie de voir dans une soirée, viens avec moi ». Elle m’embarque à cette soirée sauf qu’il ne m’arrive que des galères une fois sur place. Je perds mon téléphone et finalement, j’arrive à monter dans un uber avec un mec qui me dit (je sais pas, je devais avoir une tête bizarre, j’étais triste à ce moment-là) : « Viens, je t’emmène à une soirée chez un pote ». Et là, je me retrouve chez JoeyStarr. On prend un verre ensemble et on se raconte nos vies.

Cocteau a été une révélation

Pour le court métrage, j’ai envoyé le scénario à son agent qui l’a lu. JoeyStarr a ensuite accepté de participer et il est venu gratuitement pour soutenir le projet. C’est une vraie main tendue. Les grands acteurs permettent que l’on parle davantage du film, ils mettent notre travail en lumière.

Rien ne semble impossible pour vous, comment parvenez-vous à accomplir ce que vous souhaitez réaliser ?

Toutes les rencontres que j’ai faites m’ont toujours soutenue. En ce moment, je me bats pour le long métrage que j’ai écrit il y a très longtemps. J’ai eu beaucoup de chance qu’Arnaud Mizzon - un producteur lyonnais qui a déjà réalisé beaucoup de courts métrages – me fasse confiance et accepte de réaliser d’abord un court métrage puis un long métrage. Je lui avais envoyé mon scénario qu’il a pu lire pendant le confinement. Une fois qu’Arnaud Mizzon a accepté ce projet, il nous fallait un beau casting. Donc en deux mois de temps, j’ai contacté tout le monde et je me suis dit : « Allez go, on y va ».

 

C’est pour cette raison que j’ai appelé mon spectacle « Coup de Folie ». Oscar Wilde disait : « Les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais ». J’aurais pu renoncer plein de fois mais le conseil que je donnerais c’est de ne jamais abandonner. Un projet, c’est 40% de travail, 10% de talent et 50% de chance. Un jour, notre chance arrive, quelqu’un vous tend la main et c’est parti !  

Quels sont vos futurs projets ?

J’aimerais réaliser le long métrage de mon court métrage Le Tournesol. Et puis, je travaille mon spectacle Coup de Folie que je joue au Théâtre Le Lieu. Et peut-être que je le jouerai ensuite dans une plus grande salle !

 

Retrouvez l'actualité d'Anaïs Aidoud sur Instagram. Son court métrage Le Tournesol est disponible sur MyCanal.

 Crédits photo de couverture : ©Stevens Fievet