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Rencontre avec Charles Nouveau : "En humour, ton idée, le soir même tu peux lui donner vie."

5 Décembre 2018

Débarqué de Suisse avec sa tignasse et ses punchlines, Charles Nouveau a laissé tomber le dessin pour se consacrer à l'humour. Un nouveau changement de carrière pour l'humoriste qui a exercé ses talents artistiques comme "créa" dans la pub. Il a ensuite travaillé à l'UEFA où il a pu jouer au foot avec Michel Platini puis commenté environ 70 matches pour la télé. Côté scène, il a gagné ses galons avec avec le prix SACD de l'humour en 2018 et deux spectacles Hors Jeu sur le football et Joie de Vivre qu'il joue actuellement au théâtre du Marais.

Comment on se retrouve à jouer deux spectacles simultanément?

J’avais plein de choses à raconter sur le foot, mais quand j’essayais de les intégrer à mon spectacle plus personnel, ça ne rentrait pas trop. L’ensemble n’était plus cohérent. Alors j’ai décidé de prendre le parti d’enlever toutes les références au football dans le spectacle Joie de Vivre, et de tout simplement dédier un spectacle entier au football: Hors-Jeu. Ca fait donc deux spectacles. Trois si on compte Fifty Fifty, celui qu’on joue avec Alexandre Kominek et qui n’est jamais préparé. Il y a plein d’autres choses que j’ai envie d’explorer et dont j’ai envie de rire, mais pour l’instant c’est déjà sympa de pouvoir jouer ces trucs qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. J’ai toujours aimé faire des choses qui ne se ressemblent pas. Du foot et du dessin, la Suisse et Paris, de la radio et de la scène… Tu deviens un peu schizophrène mais t’as pas le temps de t’ennuyer, comme Léo Di Caprio dans Les Infiltrés. Sauf que Jack Nicholson ne m’en veut absolument pas. C’est un ami.

Pourquoi avoir choisi de consacrer un spectacle entier sure le foot?

En tant que fan, joueur et même entraîneur, j’avais des choses à raconter sur ce qui est quand même sport le plus populaire du monde, mais j’avais envie d’en parler de façon à faire rire autant les footeux que ceux qui ne s’y intéressent pas ou ceux qui détestent. Et au-delà de ces expériences relativement classiques (même si je dois avoir un record Guinness en terme d’heures passées à cirer le banc de touche et que jamais personne n’a emmené Tenerife sur le toit de l’Europe comme je l’ai fait sur Football Manager), le fait d’être devenu commentateur à la TV et d’avoir brièvement travaillé à l’UEFA, ça a renforcé le texte en termes d’anecdotes. J’avais une perspective un peu atypique sur un sujet qui s’avère être très porteur, donc on m’a beaucoup encouragé à en parler.

En quoi ce n’est pas excluant pour les gens qui n’aiment pas le foot?

Qu’on aime ou non le foot, on en a forcément suffisamment bouffé malgré soi pour pouvoir en rire. Même si tu n’aimes pas le foot, tu sais qui est Neymar, tu sais qu’il y a trop d’argent, tu sais que parfois les supporters sont violents, et tu sais que rien au monde n’est autant capable de rassembler les gens. Je cite à peine une poignée de noms durant le spectacle et la plupart sont des noms connus de n’importe qui. C’est pas technique. J’aurais pu faire des blagues que pour les footeux, il y en a assez, ça aurait été viable. Que des trucs du style « le type était un vrai Inzaghi de la drague: aucun physique, aucune technique, mais à la fin il l’a met toujours au fond ». Mais tout le monde n’aurait pas compris, et ce serait un autre délire.
Finalement, c’est un spectacle qui parle de méforme, d’argent, de mauvaise foi, de racisme, etc. Et ça c’est des thèmes qui parlent à tout le monde.

 "Avec l'humour, ton idée, le soir même tu peux lui donner vie."

À quoi ressemblait ta vie avant de faire de la comédie? Quel déclic  a été le déclic pour passer de la pub à la scène?

J’ai commencé à faire du stand up peu après la fin de mes études, début 2014. J’ai d’abord fait un bachelor en Relations Internationales à l’Université de Genève (j’y allais jamais, mais je l’ai fini), puis un master en publicité et design à l’Université de Leeds, en Angleterre. La pub, c’était un moyen pour moi de me réconcilier un peu avec ma créativité. J’avais été pris en école d’art au départ mais j’ai pas osé, j’ai fait des choix plus conventionnels. Me diriger ensuite vers la pub ça semblait être un bon compromis entre le créatif et la réalité du monde où faut payer des factures. Mon boulot c’était de générer des idées. Sauf que pour que ton idée se réalise, elle doit passer le filtre des égos de 25 autres personnes. Ca prend du temps, ça t’appartient pas complètement, il y a beaucoup de contraintes, ça ressemble jamais à ce que tu voulais faire au départ. En humour, ton idée, le soir même tu peux lui donner vie. Il y a pas longtemps, mon ancien binôme publicitaire m’a rappelé qu’à l’époque, il m’avait déjà reproché que toutes mes idées soient des blagues. Comme quoi, j’ai fini au bon endroit.

 

Charles Nouveau sur scène ©Luca De Vita

 

Quelle différence peut-on retrouver entre la Suisse et Paris? Que ce soit en termes de niveau ou d’humour?

Pour moi la différence fondamentale c’est toujours le bassin de population. C’est ce qui fait qu’à Paris, on puisse jouer tous les soirs, plusieurs fois par soir, une fois qu’on s’est fait une petite place. Même jouer son spectacle hebdomadairement sur toute l’année: en Suisse, ça n’existe pas. Il n’y a pas assez de public. En plus à Paris les gens ont plus pour habitude d’aller voir des spectacles, même les jeunes. Donc forcément, pour progresser, c’est idéal. Sans parler du fait que tu te frottes à beaucoup des meilleurs artistes de la scène francophone, ce qui te fait automatiquement élever le niveau pour pouvoir exister. Ca c’est pour le côté blagues. Pour le reste, c’est plein de petites choses, comme le fait que tout est infiniment plus cher, c’est vrai. Pourtant quand il faut associer une communauté avec l’argent, les gens ne pensent pas à nous mais aux juifs. Ce qui est assez ironique, quand on sait que c’est quand même nous qui avons l’argent de leurs grand-parents.

D’où vient le titre Joie de vivre de ton autre spectacle? Qu’est-ce que ça dit sur le spectacle?

Au départ ça s’appelait Joie de Vivre simplement par amour du contraste, parce que j’avais un rythme et un style beaucoup plus apathiques que maintenant. Lent, pince-sans-rire, même sombre par moments. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui, même si parfois j’aborde des thématiques dures ou que je gigote quand même moins sur scène que d’autres. Joie de Vivre c’est beaucoup de blagues que j’ai écrites à une période de ma vie où je pensais que ça n’allait pas du tout, et aujourd’hui je m’aperçois qu’en fait: ça va.

Le spectacle raconte un peu qui je suis, forcément, c’est le premier, mais avec pour fil conducteur le bonheur ou son absence. Bien sûr, il y a aussi des blagues sur les putes, les attentats et se faire lécher les testicules par son chien.

 

  

Le mec le plus drôle du monde reste Will Ferrell

Quels sont vos objectifs pour la suite de votre carrière (Film, série, scène…)

Jouer plus en Anglais et en Espagnol, j'y travaille. Sinon ça fait un moment que j’ai démarré l’écriture de quelques formats courts pour le web ou la télévision. Arriver à en faire exister quelques uns ce serait super. Des courts et des longs métrages aussi. Forcément, ça me plairait de jouer dans ce que j’écris, c’est ce que je fais la plupart du temps. Mais le plus bandant, pour moi, ça reste l’idée, le texte. Même si ce serait cool de jouer des dialogues signés Jean-François Halin. Ca et casser du sucre sur le dos des gens avec Edouard Baer, qui doit savoir le faire en alexandrins.

Quelles sont vos références humoristiques?

J’ai surtout grandi en regardant Canal+ et les Américains. George Carlin, Eddie Murphy, Louis CK et Dave Chappelle, c’étaient les premiers dont j’avais vu des spectacles entiers aux débuts du streaming. Je sais pas si on peut parler de modèles, mais en tout cas les artistes qui me font le plus rire c’est eux: Louis CK, Dave Chappelle, Bill Burr, John Mulaney, Bo Burnham, Sarah Silverman… Même si la liste est bien plus longue et qu’on a le bonheur de faire de nouvelles découvertes régulièrement. J’ai découvert Nate Bargatze sur Spotify un peu avant ses passages Netflix et je suis tout de suite devenu fan. En francophonie, j’aime beaucoup Blanche Gardin et Guillermo Guiz. Le mec le plus drôle du monde reste toutefois Will Ferrell. Juste devant la nouvelle génération de stand-uppers suisses.

Enfin votre anecdote la plus marquante sur scène ou à côté?

Au hasard, au Jamel Comedy Club, quand Jamel Debbouze (qui m’avait dit des trucs très gentils la veille pendant les répétitions) remonte sur scène pendant les applaudissements à la fin de mon passage pour hurler « FAITES DU BRUIT, C’ÉTAIT PIERRE THEVENOUX ! » Moi qui croyais que Jamel c’était la mif. Cela a été corrigé au montage, mais c’est toujours la même histoire: les babtous on a tous la même tête.

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Photo de couverture : ©Louise Rossier

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