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Rencontre avec Éric et Quentin : « Sur scène, tu ne peux pas tricher, il faut créer un lien avec le public »

16 Septembre 2021

Auteurs pour le SAV, Éric et Quentin ont d’abord été chroniqueurs dans Le Petit Journal puis à la radio pour l’émission Le grand urbain. Aujourd’hui, ils ont décidé de monter sur scène pour présenter leur premier spectacle : On peut plus rien rire. Dans ce show, ils décortiquent les mécanismes du rire à la manière d’un TED Talks drôle et instructif. Rencontre avec ces deux complices de l’humour.

Après la télé, le cinéma, la radio, vous vous attaquez à la scène. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un spectacle ?  

Éric : L’indépendance. C’est une véritable liberté. Le texte qu’on écrit, on le joue le soir. Si on veut ajouter ou enlever des choses, on peut le faire. Si ça rate, c’est de notre faute et si ça réussit, c’est grâce à nous.

Quentin : Et nous sommes nos propres producteurs ! C’est un bien grand mot mais on peut de ce fait, choisir notre projet. Depuis quelques années déjà, on souhaitait faire un spectacle mais on n’avait pas le temps parce qu’on était en quotidienne et que l’on faisait de la radio également. Maintenant, on peut se concentrer sur le spectacle et on ne se disperse plus. Avant, on s’éparpillait et comme on faisait trop de choses, on était moyen partout.

Quelle différence y a-t-il entre la télé et la scène ?

Q : Pour moi, la grande différence, c’est que, pour la scène, on part de rien. On a été face à cette fameuse page blanche. Quand on faisait de la radio ou de la télé, on se basait sur l’actu donc ça nous faisait un fond.

E : On écrivait les sketchs du jour au lendemain. Il fallait arriver au bureau, écrire très vite un sketch, le tourner, le monter et le diffuser le soir. On n’avait pas forcément le temps de réfléchir ni d’avoir suffisamment de recul. La différence avec la scène, c’est qu’on a pu travailler notre spectacle. Faire des retouches d’écriture, se demander pourquoi telle ou telle chose avait raté, comment faire pour que ça fonctionne et que l’on soit content.

Pour la scène, on part de rien. On a été face à cette fameuse page blanche.

Q : Ce qui est différent aussi c’est que l’on est face à des spectateurs. Parce que même sur un plateau télé, quand il y a un public, il y a une certaine distance. Le chauffeur de salle fait applaudir alors que sur scène, tu ne peux pas tricher, il faut créer un lien avec le public.

Comment avez-vous trouvé le thème du spectacle ?

E : Au début, on écrivait un spectacle sur « comment faire un spectacle drôle ? » sous la forme d’un TedX. Mais il nous manquait un fond. Assez naturellement, on s’est dit que la question sous-jacente à notre première idée était : « Comment faire rire ? » En tirant sur ce fil-là, on a trouvé plein de choses et on s’est rendu compte que ça pourrait être super intéressant. On s’est alors demandé : « C’est quoi le rire ? Pourquoi on se marre ? D’où ça vient ? » et on a cherché de ce côté-là.

Quelles ont été les étapes de construction de votre spectacle ?

Q : On a d’abord fait un gros travail de recherche et de documentation. Ça nous a pris pas mal de temps…

E : …même si au final, on ne présente pas beaucoup d’ouvrages dans le spectacle. Par exemple, le livre de Pagnol n’est pas connu du tout, on est tombé dessus par hasard. Au début, on avait écrit un spectacle qui était trop long. On avait tout un texte sur l’histoire du rire, siècle après siècle, mais ça faisait un peu thèse. Il y avait trop d’informations donc on a dû enlever beaucoup d’éléments. C’était vraiment un crève-cœur de choisir ce qu’on gardait ou non. Et puis, on voulait surtout que les gens se marrent. Donc chaque propos devait être illustrés pour que ce soit drôle.

 

                                                                                                   ©Audouin Desforges

Q : Il a fallu aussi vulgariser comme lorsque l’on parle de Bergson.

E : On peut penser que cet auteur est difficile à comprendre mais au final c’est très simple. Et l’exemple du paysage est très pertinent. Il écrit : « Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain » et il dit : « Regardez un paysage, ça ne vous fera pas rire ».

Pareil pour les animaux. Ce qui nous fait rire aussi chez eux, c’est qu’on les humanise. Par exemple, quand on voit un selfie d’animal, on rit parce qu’on a l’impression qu’il a un comportement proprement humain.

Comment avez-vous trouvé vos personnages ?

Q : Notre metteur en scène, Anthony Marciano et notre auteur Bertrand Doler nous ont beaucoup aidés là-dessus. Ils nous ont dit de travailler deux perso bien distincts.

E : Il y en a un qui se la pète un peu et puis l’autre qui dévie complètement mais qui permet de bien illustrer les propos de celui qui croit tout savoir sur le rire.

Q : En faisant des recherches, on s’est aperçu que ça s’appelle le manzaï en japonais. C’est un peu le duo comique à la Laurel et Hardy.

Quels autres conseils marquants vous a donné votre metteur en scène Anthony Marciano (Robin des bois, la véritable histoire) ?

E : Il nous a dit qu’on devait bien travailler ces deux perso distincts pour qu’on nous différencie. C’était très intéressant parce qu’on n’en avait pas du tout conscience.

Sur scène, tu ne peux pas tricher, il faut créer un lien avec le public

Q : Et d’être sexy sur scène [rires]….

E : …ce qui n’est pas forcément réussi avec nos pulls noirs à manches longues dans lesquels on transpire beaucoup. Pour ma part, il m’a aussi demandé d’être plus rigoureux parce que j’ai tendance à m’évader ailleurs…

Q : …Surtout qu’au début, tu arrivais en slip sur scène, ce qui était un peu gênant pour tout le monde…

Après avoir joué votre spectacle le 7 mars 2020, le premier confinement a eu lieu. Idem en octobre 2020. Etes-vous serein pour cette reprise ?

E : Ça va mieux mais on se méfie.

Q : Surtout qu’on a eu un faux espoir au mois de décembre quand il était question de peut-être rouvrir les théâtres. Quand on a appris que ça n’allait pas être possible, ça a été un peu le coup de grâce.

E : Mais maintenant, on n’a plus de doutes, on vit au jour le jour !

 

 

Vous avez repris On peut plus rien rire le 31 août 2021. Quels retours avez-vous eus suite à cette représentation ?

E : J’ai l’impression que c’était une première représentation vu tous les changements qu’il y a eu depuis le début.

Q : On a eu de très bons retours et on s’est sentis bien sur scène. Si nous on s’amuse, je pense que ça se ressent aussi dans le public. Comme on dit dans le spectacle : « L’humour est communicatif ».

Dans votre spectacle, vous expliquez également que l’humour change en fonction des époques. Votre humour a-t-il lui aussi évolué depuis que vous écrivez des sketchs ?

E : Complètement.

Q : Au début, quand on a commencé en tant que chroniqueurs, on faisait certaines vannes qu’on ne referait plus aujourd’hui.

Il a fallu aussi vulgariser comme lorsque l’on parle de Bergson.

E : C’étaient des vannes trop agressives. Ou comme ce qu’on explique dans le spectacle, « des vannes sur la supériorité du rieur sur le moqué » (Marcel Pagnol). Il y a des blagues méchantes et gratuites qui sont faciles à faire. Je trouve que ça manquait de recherche ou d’imagination. On tombait parfois dans la facilité sans s’en rendre compte ou alors par paresse. Je pense que maintenant, on essaiera de ne plus le faire.

Q : Le spectacle nous a fait prendre du recul sur ce que l’on peut dire pour rire.

Et qu’est-ce qui vous fait particulièrement rire ?

Q : Moi j’aime bien les vidéos de chutes sur internet. Très basique. Et sinon, les comédies avec Peter Sellers. J’adore l’humour flegmatique anglais. Et ce que j’aime chez cet artiste, c’est son côté élégant et drôle. Souvent, on peut associer l’humour à quelque chose de potache ou au déguisement. Alors que lui, il est en costume et il va sortir un propos absurde pile au bon moment tout en restant classe.

E : Pour ma part, j’adore The Office, je trouve que c’est très fin. J’aime aussi beaucoup Mister V, Fred Testot ou encore Eric et Ramzy.

Et Monsieur Fraize, bien sûr ! On adore son côté décalé qui pourrait être un énorme four mais qu’il tient jusqu’au bout et qui marche.

Comment qualifieriez-vous votre humour ?

E : J’ai l’impression qu’il y a un peu de tout, j’ai du mal à le définir. Il y a beaucoup d’absurde, un côté décalé mais on aime aussi inclure des jeux de mots….

On a encore beaucoup d’humilité sur scène parce que c’est vraiment difficile

Q : On vulgarise un propos mais de manière rigolote alors on aimerait que notre humour soit qualifié de drôle avec un propos.

Quels humoristes avez-vous découverts récemment ?

Q : Récemment, j’ai découvert Lison Daniel sur Instagram. Elle a une grande faculté de transformation lorsqu’elle fait des personnages, c’est assez impressionnant et très drôle. Il y a pas mal d’humoristes qui font des perso mais qui datent  des années 80 – la sportive, le beauf – et qu’on a déjà vu mille fois. Je trouve que Lison Daniel est dans la modernité parce qu’elle propose de nouvelles caractéristiques plus actuelles de personnages.

E : J’aime bien Camille Lavabre et Paul Mirabel ! Mais de façon générale, je regarde peu ce que font les autres par peur de la comparaison.

Quels sont vos futurs projets ?

Q : Faire grandir ce spectacle. C’est un gros projet parce que ça prend du temps, il y a de la fatigue, il faut assurer les promos,... Mais on très contents de jouer !

E : On a des projets à côté comme des lives urbains pour Culturebox. Mais cette année, on est vraiment focus sur le spectacle. La scène, c’est un métier qu’on découvre, on n’a aucune formation de comédien donc il faut y aller doucement.

Q : Et on a dû apprendre plein de choses : les placements, rester dans la lumière, le fait qu’on ne voit que très peu les gens. Ça fait vraiment les stagiaires mais on n’en savait rien. Et puis naïvement, on pensait qu’on allait jouer le même spectacle tous les jours mais le public n’est pas le même donc il faut s’adapter. Des fois, les spectateurs vont être enthousiastes dès les deux premières minutes du show et puis, d’autres fois, il faut aller les chercher.

E : Et c’est ça qui est génial. Hier, les gens ont ri sur du grec ancien, on a halluciné parce qu’on avait hésité à le garder.

Q : On a encore beaucoup d’humilité sur scène parce que c’est vraiment difficile et qu’il faut s’accrocher.

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 Crédits photo de couverture : ©Audouin Desforges