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Rencontre avec Vérino, de la scène au salon

1 Avril 2021

Privés de scène depuis plusieurs mois déjà, comment les humoristes compensent la fermeture des salles ? Pas Glorieux, Stand-up de Salon… Vérino redouble d’efforts pour pallier le manque de la scène. Interview.

Votre activité principale c’est de monter sur scène, d’être avec les autres, de faire rire. Comment gérez-vous une crise qui vous prive de tous ces moments ? Est-ce qu’il y a un aspect bénéfique ?

J’ai de la chance parce que j’ai plusieurs activités. J’ai une activité de comédien, d’humoriste, de producteur, d’autres trucs à côté, mais surtout de papa. C’est ce qui me prend beaucoup de temps. En vérité, je pense que par rapport à d’autres comédiens, aux plus jeunes surtout, j’ai de la chance parce que je ne me suis pas retrouvé seul. J’ai pu profiter de ce temps pour être en famille, me remplir d’expériences qui m’enrichiront pour l’écriture. 

Malgré ce côté bénéfique, il y a aussi un ras-le-bol. J’ai envie de monter sur scène, ça commence sacrément à me manquer. C’est très difficile de s’en plaindre quand on a déjà la chance de faire un métier qui nous passionne. Sauf que je me rends compte que ce n’est pas simplement un métier qui me passionne que je ne peux pas faire mais que j’ai la dalle. Mon équilibre n’est pas bon.

Vous avez créé deux nouveaux formats. Votre podcast Pas Glorieux et un concept vidéo Stand-up de Salon. Comptez-vous garder ces formats ?

Je me pose souvent la question. Quand je fais un truc, j’ai souvent l’impression de ne pas vraiment savoir où aller. Là, c’est encore le cas. Je suis nul pour anticiper, je n’arrive pas à me dire : « tiens, ça, c’est génial ! ». Je dirais même qu’à chaque fois que je me suis dit ça, je suis passé à côté. 

J’ai envie de monter sur scène, ça commence sacrément à me manquer

Alors qu’à chaque fois que j’ai fait les choses un peu à l’arrache, c’est devenu quelque chose de chouette. Du coup, j’ai arrêté de faire confiance à mon cerveau d’anticipateur. Je crois qu’il faut avoir l’humilité de réaliser que je ne suis pas un génie, en tout cas, pas un visionnaire [rires]. Parfois, je tombe sur des concepts vraiment bien, donc si ça se trouve Stand-up de Salon va me correspondre encore mieux que ce que je faisais sur scène.

   

    

Ces formats permettent-ils de pallier le manque de la scène ?

Disons que je suis un gros paresseux. Si je n’ai pas quelque chose à faire, si je n'ai pas à sortir, je suis vraiment flemmard. Là, je vous avoue qu’en ce moment, il y a quand même une frustration de ne pas monter sur scène et d’écrire. Alors je suis content de répondre au moins à cette frustration-là de l’écriture.  

Et puis, le bon côté, c’est que je progresse en montage, son et lumière. Je fais le travail tout seul alors ça me permet d’apprendre de nouvelles choses. C’est nourrissant jusqu’au moment où je vais tourner en rond. Et ma seule solution pour ne pas tourner en rond, c’est la scène. Vu que le public est toujours différent, il y a constamment un petit stress et c’est ce petit stress qui me fait du bien. 

Comment choisissez-vous les sujets abordés dans vos vidéos ?

En ce moment, j’ai essayé d’être un peu moins dans les sujets politiques parce que je trouve qu’il y a beaucoup de bruits autour de ça alors je vais choisir des sujets qui vont plus me parler. J’aime bien attaquer un sujet par l’angle qui me touche. Je le prends généralement en me disant que j’aurais bien besoin d’un avis dessus pour me faire un avis moi aussi. Pour ma vidéo « dégenrer les patates », j’ai vu l’info et ça m’a fait marrer. C’est quand même super important de traiter les questions du genre.

Tout ce que j’entreprends est un prétexte. Je fais des vidéos pour écrire et des podcasts pour voir mes copains.

Les traiter via l’angle de Mr et Mme Patate [NDRL : la Famille Patate n’est plus genrée, pour répondre aux dénonciations de stéréotypes de genre] c'est drôle et ça peut faire évoluer les pensées de quelques-uns sur ces questions. Je réfléchis à ce que j’aimerais : que ça ne soit évidemment pas transphobe et qu’on puisse préciser que, puisque c’est des questions relativement neuves, ce n’est pas simple pour tout le monde de s’y adapter. Disons que j’essaie de suivre le cours de l’intelligence humaine.

Sur scène, comme pour vos vidéos Dis Donc Internet, il y a toujours les rires du public pour réagir à vos blagues. Est-ce qu’être seul face à une caméra, sans aucune réaction, c’est plus handicapant ?

Alors, la semaine dernière, je vous aurais répondu que non. Mais j’ai fait une vidéo Stand-up de Salon, dans laquelle je parle d’une jeune femme qui a eu un cancer étant enfant et j’ai reçu pas mal de messages me disant qu’on ne peut pas rire de ça. Chose qui ne m’arrive jamais face à du public. 

Quand on est entouré de public et que tout le monde rigole, ceux qui ne veulent pas en rire se rendent bien compte que la phrase « on ne peut pas rire de ça » à moins de sens puisqu’ils sont seuls. Mais effectivement, je suis confronté d’un coup à ce genre de situation. Je pense que certains ont besoin de la validation du public pour rire, ils ont besoin de ressentir qu’ils ont le droit de rire. Il y a aussi ceux qui vont prendre la vanne au premier degré et me répondre qu’on ne peut pas comparer un cancer à des dents de sagesse. Mais évidemment ! C’est le principe de l’humour de faire des choses infaisables.

 

 

Concernant votre podcast Pas Glorieux, est-ce qu’il durera même après la réouverture des salles ?

Même si j’y pensais déjà avant, j’ai créé ce podcast à cause de la situation sanitaire et parce que j’adore discuter avec les gens. Je me rends compte que dans mon métier, la seule solution pour se voir, c’est d’être obligé de se voir. Pour Bun Hay Mean et Alex Vizorek, qui sont vraiment des bons copains, je ne les avais pas vus pendant un an. À partir du moment où je leur ai dit que je faisais un podcast, la semaine d’après on était ensemble. C’est toujours ce que je fais, tout ce que j’entreprends est un prétexte. Je fais des vidéos pour écrire et des podcasts pour voir mes copains.

À quelle fréquence sortent-ils ?

En théorie, ils devraient sortir toutes les deux semaines mais je dis bien en théorie [rires]. Je ne suis pas très assidu. En vrai, j’adore l’expérience d’aller chez quelqu’un et discuter mais je déteste le montage après, c’est trop long ! Donc pour l’instant, j’en ai deux d’avance qui sont dans mon ordinateur et que je suis en train de monter. 

Comme je n’ai aucune visibilité, je n’arrive pas du tout à me projeter sur ce que je pourrais faire

Mon problème, c’est que je ne prépare pas assez mes interviews et que je suis obligé de faire beaucoup de montage derrière pour que ce soit intéressant. Surtout parce qu’en plus je suis un grand bavard et que l’objectif c’est qu’on en apprenne plus sur celui avec qui je parle, pas qu’on m’entende moi tout le long même si je veux qu’il y ait un échange.

Le 20 janvier, vous avez réorganisé un Inglorious Comedy Club mais en livestream cette fois. Avez-vous prévu d’en refaire ?

Le problème, c’est que c’est très limité et qu'on ne peut pas en faire tout le temps. J’ai l’habitude de jouer entre 150 à 200 dates par an donc c’est frustrant de ne faire qu’une scène de temps en temps. C’est un palliatif. L’Inglorious et le Printemps du Rire en livestream, mes vidéos tous les week-ends, tout ça ce ne sont que des palliatifs.

Vous êtes passé de la vidéo 199, à 199 bis à 201 sur YouTube. Prévoyez-vous quelque chose de dingue pour la 200e ?

J’aimerais bien [rires] ! Mais comme je n’ai aucune visibilité, je n’arrive pas du tout à me projeter sur ce que je pourrais faire. À la base, je devais finir la tournée de mon ancien spectacle dans de belles salles où je m’étais dit que ça serait super pour la 200e. Finalement, tout est tombé à l’eau à cause du co-vid19. Donc plus ça va, plus je me dis que ça me ferait marrer qu’il n’y ait jamais de 200e.

Quand pourrez-vous rejouer sur scène ?

D’après leur calendrier vaccinal - puisque tout le monde devrait avoir accès à la vaccination cet été - on pourra reprendre en septembre. Je jouerais au Grand Point Virgule, dans la grande salle. Je suis hyper content et j’ai vraiment hâte. J’espère que ça sera possible.

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Crédits photo de couverture : ©Hélène Pambrun