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Rencontre avec Zatis & Kalvin : « Notre complicité dans la vie se ressent sur scène »

13 Mars 2022

La surenchère de vannes est leur leitmotiv. Complices sur scène  et dans la vie, Zatis et Kalvin présentent leur spectacle à l’Apollo Théâtre. Tous les samedis soirs, ils emportent le public dans leurs tendres railleries pour délivrer, à travers un humour corrosif, un message de tolérance et de bienveillance. Rencontre avec deux punchliners. 

Quel est votre premier souvenir lié à l’humour ?

Zatis : J’avais 100% Debbouze en DVD. C’est le premier spectacle que j’ai vu. Comme je suis Marocain, les références me parlaient beaucoup. D’ailleurs, à l’école, je faisais le pitre pour essayer de ressembler à tous les humoristes que j’aimais. J’avais compris que si tu n’es pas le plus beau, le plus musclé ou le plus intelligent de la classe, il faut bien trouver une place. Pour moi, être le plus drôle était ce qui me semblait le plus simple à faire. 

Kalvin : Elie Kakou, ma mère adorait. Notamment le sketch sur la lessive Plouf. Elle le connaissait par cœur : « You rince, you rince, you rince…. Three times ! » [rires]. 

Qu’est-ce qui vous a poussé à monter sur scène ? 

Z : On faisait rire sur les réseaux sociaux avec nos vidéos. Alors, on s’est dit : « Pourquoi ne pas transmettre les rires qu’on voyait seulement dans les commentaires en vrai ? ». Kalvin a eu l’idée d’adapter notre vidéo Hypocrisie Africaine sur scène. On a joué ce sketch au Paname Art-Café, en première partie de Charly Nyobe. Depuis cette scène, on ne l'a plus quitté ! 

 

 

Comment s’est passée cette première scène ? 

K : On ne s’est pas posé trop de questions, on était dans le feu de l’action. Le jeudi 26 août (je m’en souviens encore précisément), Charly Nyobe m'envoie un message pour savoir si on veut faire sa première partie. Le soir même, je propose à Zatis de monter sur scène avec moi. Le lendemain, on se voit pour répéter. Le dimanche, on joue au Paname. Si on avait trop réfléchi, je pense qu’on ne serait jamais montés sur scène. Au début, on était un peu stressés mais c’était vraiment un super moment ! Et puis, comme cette première fois sur scène s’est bien passée, ça nous a confortés dans l’idée de continuer. 

Lorsque vous vous êtes rencontrés, qu’est-ce qui a matché entre vous ? 

Z : Son regard… [rires]. On a les mêmes références humoristiques et on rigole des mêmes choses. Quand je commence une vanne, il la finit. Et inversement. On surenchérit sans cesse. On est dans le même délire. 

Qu’aimez-vous dans la dynamique de votre duo? 

K : Notre marque de fabrique : un rythme rapide. 

Z : D’ailleurs, on nous l’a reproché à un moment. On nous disait que les gens n’avaient pas le temps de rire à toutes les vannes. Alors on a essayé de faire plus lentement mais c’était bizarre. Ça créait un faux rythme et on ne se sentait pas à l’aise. 

K : D’autant qu’on se parle réellement de cette manière au quotidien. Notre complicité dans la vie se ressent sur scène.

Le soir de la défaite du PSG, j'ai eu un déclic

Z : Dans notre spectacle, il n’y a jamais deux phrases de suite sans une blague. Chaque phrase est une punchline… 

K : …parce que ça vient de nous. On en a besoin. En quartier, quand tu prends la parole, il faut que tu envoies une punchline pour capter l’attention des gens. Tu ne prends pas la parole pour ne rien dire. 

Z : On surenchérit sans cesse mais on n’est jamais dans la compétition. On ne cherche pas à faire la meilleure vanne. 

Comment avez-vous trouvé cet équilibre ? 

Z : C’était compliqué. Je ne suis pas timide et plutôt à l’aise pour prendre la parole. Alors que Kalvin est très introverti. Au début, quand on jouait sur des plateaux, on me voyait plus que lui. On me disait que je lui prenais son espace, que j’étais trop présent sur scène. Par exemple, je bougeais tout le temps alors que lui restait statique. On a donc établi des temps de paroles pour équilibrer et répartir les vannes. 

Sa manière de jouer s’est transformée du jour au lendemain. On était programmés sur un plateau à 23h30, dans une chicha. Le PSG venait de perdre lamentablement face au FC Barcelone. Moi je m’en fiche, je suis pour Lyon [rires]. Mais Kalvin était dégoûté. Il me dit : « Vas-y là, je m’en fous totalement ». Il est monté sur scène et il a charrié tout le monde. Tous et toutes riaient. Il était d’une décontraction bluffante. Je lui ai dit : « Alors à partir d’aujourd’hui,  tu vas jouer comme ça ». 

 

K : Il fallait que j’apprivoise la scène surtout en tant que personne timide et ancien bègue. Je parle très vite et moins fort que Zatis. Sachant toutes ces choses, Zatis voulait me protéger. Il se disait qu’il allait gérer pour moi. Sans le vouloir, il me mettait derrière. 

Le soir de la défaite du PSG, j'ai eu un déclic. Je me suis enlevé un poids en me disant que la scène était mon travail mais qu’il fallait aussi que je kiffe. A côté, j’ai aussi repris le cinéma, les castings et les vidéos. Tous ces autres projets qui me tenaient à cœur, m’ont permis de m’épanouir davantage. Être plus heureux dans sa vie se ressent aussi dans le jeu. 

Vous commencez donc par jouer un premier spectacle Hypocrisie africaine en 2015. Actuellement votre spectacle s’intitule Zatis et Kalvin. Pourquoi avoir changé de nom de scène ?

Z : On voulait changer le nom du duo parce que je m’appelle Zatis sur les réseaux et que ça prêtait à confusion. On a donc fait une mise à jour du spectacle en introduisant plus d'actualités, en changeant la mise en scène, les costumes, l’affiche, le nom. Le spectacle devient le show 2.0. En revanche, l’histoire reste la même : on a des parents racistes qu’on essaie de convaincre qu’ils sont cons. Le fil rouge est aussi similaire mais les blagues changent. 

K : Non pas du tout. Nos parents sont très timides et très pudiques. Quand ils se sont rencontrés, ils étaient très calmes alors que séparés, c’est des oufs [rires]. 

Les personnages que l’on interprète sont des caricatures de personnes qu’on connaît ou que l’on a croisées

Z : Les personnages que l’on interprète sont des caricatures de personnes qu’on connaît ou que l’on a croisées : des oncles, des tantes, etc. On fait exprès d’aller loin dans les clichés pour montrer que les racistes peuvent être très bêtes. Et que, même eux, peuvent devenir tolérants.  

Vos parents sont-ils venus voir le spectacle ? 

Z : Bien sûr ! Quand on a écrit notre spectacle, on s’est toujours dit que nos parents viendraient nous voir un jour sur scène. C’était notre rêve de les voir dans la salle ! Ils sont venus plusieurs fois : à la première, à la dernière de la première, à Fresnes et à La Cigale. En résumé, toutes les grandes scènes. Les petites salles ne les intéressent pas [rires]. 

K : Pour la Cigale, mon père s’était habillé pour l’occasion : costume en peau de pêche, béret. Il s’est assis tout devant en disant : « C’est mon fils ». 

 

  

Quels ont été leurs retours ? 

K : Ils ont beaucoup aimé et ils nous ont donné leur bénédiction. Ils savent que c’est bienveillant et qu’on n’est pas là pour insulter qui que ce soit. En plus, on leur fait des dédicaces sans que ce soit réellement eux qu’on interprète. Mais ils se reconnaissent parfois dans des petites choses. Et puis, je pense que c’est surtout une fierté de voir la salle rire autour d’eux. 

Z : Ce sont des métiers qu’ils ne connaissent pas bien. Pour eux,  dans les métiers artistiques, une personne sur 100 000 peut arriver à en vivre. Nous, on ne s’est jamais posés la question. On leur a simplement dit : « Si vous nous faites confiance, laissez-nous faire et on verra ». On a eu la chance d’avoir des parents ouverts ! Mon père m’a dit : « Je te laisse trois ans. Si au bout de ces années, tu arrêtes, tu fais un autre taf ». J’ai arrêté mes études. La première année, on a vu qu’on pouvait jouer notre spectacle régulièrement et la deuxième année, le projet s’est concrétisé. Ils ont vu qu’on travaillait et qu’on pouvait vivre de ce métier. On ne gagnait pas de grosses sommes….

K : …mais ça nous permettait de mettre de l’essence pour avancer ! De mon côté, ma mère m’a poussé à faire des études de cinéma. Elle a appelé l’école et elle m’a dit : « Tu y vas et papa paie » [rires]. Dans les familles africaines, c’est la maman qui gère tout. Elle ne parle pas beaucoup mais c’est elle qui décide. Je suis donc allé dans cette école de cinéma et j’ai eu le diplôme pour eux. Ma mère a toujours espéré que je sois un jour sur scène. Elle en a même rêvé. Quand elle est venue nous voir à La Cigale, elle m’a glissé dans l’oreille : « C’est ça que j’avais vu ». Franchement, bravo ! 

Quels retours avez-vous du public ?

Z : Leurs rires ! Et puis, que les gens viennent à notre spectacle. Parfois, on est moins contents de nous mais on voit que le public ne le ressent pas du tout et qu’il s’amuse quand même. A la fin du spectacle, quand on prend des photos avec ceux qui le souhaitent, les retours sont très positifs et c’est le message de tolérance qui ressort le plus. Ça nous fait plaisir parce que c’est vraiment la chose la plus importante qu’on souhaite véhiculer à travers notre spectacle. 

On ne charrie pas juste pour charrier. Il y a vraiment un message derrière. Tous les retours du public nous rassurent aussi parce qu’à nos débuts, on nous disait que tout ce qui était communautaire ne marchait pas trop ou alors que ça avait déjà été fait. Mais on n’a pas lâché l’affaire et on se dit aujourd’hui qu’on a eu raison de s’écouter. 

Il y a dix ans, on aurait aussi pu faire ce spectacle. On n’aurait pas parlé de certaines personnes mais le point de départ aurait été le même. Malheureusement, depuis des années, le racisme est toujours d’actualité. 

Sur les réseaux sociaux, Zatis fait les débriefs Marseillais VS le reste du monde. Si on faisait un Humoristes VS le reste du monde, avec qui voudriez-vous être en équipe ? 

Z : Les copains ! Nordine Ganso, Sacko Camara, Ahmed Sparrow, Jason Brokerss, Redouane Bougheraba, Aziz Aboudrar, Frédéric Bukole. Et puis, le reste du monde, ce serait les références comme Dave Chappelle, Chris Tucker, Kevin Hart, Eddie Murphy, Martin Lawrence, …

K: On aurait perdu, mais bon, tu connais…

Quelles sont vos références en duo d’humoristes ?

Z : On est de la génération Eric et Ramzy / Omar et Fred. Dans leurs spectacles, ils se vannent aussi tous les deux et ils ont des personnages. Leurs interviews étaient tellement drôles. C’était n’importe quoi ! Ils s’amusaient. Et nous, on se reconnaît dans cette manière d’être.

Quels sont vos projets ?

Z : Une tournée en France et une tournée africaine, c’est notre rêve ! 

K : Je suis en train d’écrire un film adapté du spectacle mais je recherche encore des producteurs. 

 

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